Connaître les produits psychoactifs et savoir réagir en cas de problème.

Après avoir abordé la réduction des risques de manière générale et comment développer une stratégie cohérente avec la nature de vos événements, on vous propose d’approfondir votre connaissance des produits et des conduites à tenir en cas de situation grave liées à une consommation de produits psychoactifs dans une fête que vous organisez.

Il nous a semblé important d’évoquer ce sujet avec vous, car, sans devenir des spécialistes de la RDR ou des secouristes, avoir quelques bases vous permettra de mieux réagir en cas de problème et parfois d’éviter qu’une situation dégénère en prenant les bonnes décisions.  

Même si à titre personnel, la question des produits ou de leurs effets ne concerne pas directement, dans la mesure ou vous organisez des événements qui accueillent un public nombreux, vous pouvez être confrontés à une variété de situations, parfois graves. C’est grâce à une connaissance large de ce qui peut provoquer ces situations que vous saurez en évaluer la dangerosité et contacter les secours de manière adaptée.

Les différentes catégories de produits et leurs conséquences à court terme

Avant toutes choses, sachez qu’il s’agit d’un domaine très pointu que nous allons aborder de manière simplifiée et forcément incomplète. Nous basons notre approche sur une classification, celle de Pelicier et Thuillier qui date de 1991. Il y en a d’autres mais elle fait généralement consensus dans le secteur et elle vous permettra de communiquer avec les différents intervenants de réduction des risques ou les secours.
Nous évoquons uniquement les conséquences à court terme qu’induit une consommation parfois excessive dans un cadre festif et non pas celles que l’usage régulier peut avoir sur l’organisme.

En effet notre but est avant tout de vous donner quelques clés pour mieux comprendre ce qui se passe quand une personne qui a pris un ou des produits se sent mal et que vous devez intervenir.

Il y a globalement 3 grandes familles de produits :

Les dépresseurs : L’alcool, les tranquillisants (benzodiazépines), les opiacés (opium, morphine, héroïne, codéine), le GHB, le proto ou le poppers pour les plus connus.

Ils ont un effet sédatif (c’est-à-dire calmant) et désinhibant que nous connaissons tous et qui fait qu’ils sont très populaires en milieu festifs.

Le principal danger de la consommation excessive de ces produits sont les arrêts cardiaques ou respiratoires et les pertes de conscience ou endormissement tels que les comas éthyliques. Ils provoquent aussi souvent des pertes d’équilibre qui peuvent entrainer des chutes et des blessures.

Les stimulants : Les amphétamines (speed, éphédrine..), la cocaïne, la MDMA (en cachet d’extasy, en gélule ou en poudre)

Ils stimulent le système nerveux et le corps, accélération du rythme cardiaque ce qui les rend attractif pour une partie du public en milieu festifs

Ils peuvent provoquer des crises cardiaques, un épuisement physique et mental et parfois des bouffées psychotiques aigus telles que des crises de paranoïa.

Les perturbateurs / hallucinogènes : Le cannabis, le LSD, les champignons et plantes hallucinogènes

Ils perturbent le fonctionnement du système nerveux et modifient les perceptions sensorielles. Ils peuvent provoquer des illusions et des hallucinations.

Ils peuvent provoquer des altérations de la personnalité ou des troubles psychotiques parfois assez intenses.

S’ils ne présentent généralement pas de risques majeurs de santé sur l’instant, les conséquences sur le comportement peuvent en rendre l’usage risqué (le cannabis au volant par exemple…).

A noter aussi que l’ingestion de champignons ou plantes peut provoquer des intoxications alimentaires sévères voire mortelles.

Une fois que nous avons vu ces grandes familles, il est important de savoir que certains produits sont difficiles à classer, tels que la kétamine qui est à la fois un dépresseur et perturbateur. 

Les interactions dangereuses 

Assez régulièrement, les produits sont mélangés par les usagers en milieu festifs, cela s’appelle la polyconsommation. Par exemple cannabis et alcool ou alcool et cocaïne.

Les interactions peuvent démultiplier les effets ou au contraire, les inhiber et du coup faciliter l’absorption de doses à des quantités toxiques, comme le mélange alcool et cocaïne.

Afin d’aider les usagers à limiter les risques, il existe des tableaux des risques liés aux mélanges basés sur les travaux de l’organisme Tripsit. Il est diffusé par de nombreuses associations de réduction des risques, le voici :

produits psychoactifs

Vous pouvez le télécharger pour le consulter en cliquant JUSTE ICI

Sans rentrer dans les détails, il est important de savoir que le mélange de produits dépresseurs est particulièrement dangereux et que certains cocktails comme l’addition de GHB et d’alcool peuvent être mortels même à très faible dose.

Comment réagir en cas de problèmes sérieux liés à une prise de drogues ?

Une fois qu’on a posé ces bases de connaissance générales des produits et des risques qui y sont associés, vous êtes un peu mieux armés pour pouvoir agir si des participants semblent en difficulté suite à une prise de produits.

Vous devrez réagir de manière rapide et efficace. Nous vous conseillons de procéder par étape.

La base : les gestes d’urgence.

En premier lieu vous devez assurer les gestes d’urgence de base selon la règle de base du secourisme P.A.S Protéger, Alerter, Secourir : 

  • Examiner la personne : conscience, respiration, blessures… et la mettre en sécurité si nécessaire, par exemple en l’amenant à l’écart de la foule et des installations à risque ou en définissant un périmètre de sécurité autour d’elle si ce n’est pas possible.
  • Alerter les secours en appelant le 18 (Pompiers) le 15 (Samu) ou le 112 (Numéro d’urgence européen) en leur communiquant toutes les informations essentielles sur l’état de la victime et comment vous trouver facilement. N’hésitez pas à envoyer quelqu’un pour les accueillir et les guider jusqu’à la victime sans perte de temps.
  • Effectuer les gestes de premiers secours si nécessaire et placer la victime en PLS si elle a perdu conscience ou semble risquer de le faire.

Pour cela, et nous ne le rappellerons jamais assez, il est essentiel de vous former au secourisme et d’avoir des personnes qui ont au moins le PSC1 dans votre équipe !

Une fois ces gestes réalisés, si vous n’avez pas de poste de secours sur place ou que vous savez que le délai d’intervention sera lent, vous pouvez quand même agir pour réduire les risques.

Pour faciliter la compréhension, nous avons divisé en trois grandes catégories les types de réactions.

1 : La personne se sent mal ou a perdu brièvement conscience mais est de nouveau éveillée :

Vous allez devoir déterminer la gravité de la situation avec elle et ses proches. Parfois, c’est un simple « coup de fatigue » qui ne nécessite qu’un peu de repos mais au moindre doute, vous devez :

  • Conduire la personne dans un endroit calme
  • La couvrir avec une couverture de survie ou tout autre moyen s’il fait froid
  • Faire le point avec elle et son entourage et établir s’il y a eu des consommations ou des pathologies à risque (diabète, faiblesse cardiaque…)
  • Appeler les secours
  • Rester avec elle, lui parler et surveiller son état, notamment le pouls et la respiration
  • Ne pas la laisser s’endormir
  • Si la personne souhaite boire, proposer de l’eau ou une boisson sucrée en petite quantité tout en surveillant que tout se passe bien.
  • Si elle souhaite s’allonger, lui proposer de se placer en PLS et rester à ses côtés.
  • Si une personne est prise de convulsions : ne pas la déplacer, dégager le périmètre de tout risque et prévenir les secours. A la fin de la crise, vérifier que la respiration est bonne et placer la personne en PLS.

2 : La personne n’est pas consciente

Quelle que soit la raison de la perte de conscience (overdose, coma éthylique…) il s’agit presque toujours d’un cas grave et votre première mission sera de prévenir les secours avec la plus grande rapidité.

En attendant les secours, vous devez :

  • Mettre la personne en PLS
  • La couvrir avec une couverture de survie ou tout autre moyen
  • Surveiller le pouls et la respiration très régulièrement
  • Trouver quelqu’un qui ait son PSC1 et vous tenir prêt à déclencher un massage cardiaque en cas d’arrêt cardio-respiratoire ou tout autre mesure nécessaire.
  • Essayer de savoir si la victime est accompagnée et identifier les proches qui peuvent avoir des informations utiles pour les secours. Cela peut être les produits consommés mais aussi des conditions particulières comme du diabète ou une faiblesse cardiaque.
  • De manière générale, obtenir toutes les informations utiles à une action efficace des secours et les communiquer. N’hésitez pas à les rappeler pour les prévenir de toute évolution préoccupante.

3 : La personne est visiblement en « bad trip » et présente un danger pour elle ou pour son entourage.

Cet état psychologique et ou physique de peur et d’angoisse lié à la prise de certains produits psychoactifs peut provoquer des comportements violents, agressifs, dangereux pour l’usager ou son entourage, surtout dans le cadre d’une fête. Vous devrez alors :

  • Amener la personne dans un endroit calme, à l’écart de la foule.
  • Identifier ses proches, les prévenir et les amener auprès d’elle pour qu’ils puissent se parler si elle le souhaite.

Essayer de comprendre la cause de son état et les produits qu’elle a consommés.

  • Ne pas laisser la personne seule et dédier un membre de votre équipe qui a de l’empathie à une mission d’écoute et de dialogue.
  • Dans tous les cas, l’usage de la force ou des menaces sont à proscrire car inutiles.
  • Surveiller sa respiration, sa température, son état général pour vérifier que cela n’évolue pas vers un malaise,
  • Proposer à boire ou à manger.
  • Si possible trouver un opérateur de réduction des risques expérimenté qui pourra s’engager dans une mission de réassurance.
  • Si la situation dure et que vous estimez que la personne présente un risque pour elle ou pour les autres, appelez les secours.

Pourquoi est-il important de connaître les produits qu’une personne qui se sent mal a pu consommer ?

Tout d’abord dans l’intérêt de la victime.

Il est utile de connaitre ce qu’elle a consommé car cela peut conditionner votre réaction et celle des secours.

En effet, on n’agira pas de la même façon si quelqu’un qui a bu un peu trop, titube et se pose dans un coin pour se reposer que si cette personne a aussi pris du GHB et risque la mort dans un délai très court.

Donc une fois que la personne est en sécurité et s’il semble clair que son état est dû à une consommation de produit, il faut identifier la cause de son malaise, quel qu’il soit. Pour cela, vous pouvez essayer de voir avec elle ou avec son entourage ce qu’elle a consommé. 

Si la personne ou son entourage ne veulent pas répondre ou donnent clairement une mauvaise réponse, vous devez chercher à établir un rapport de confiance et leur indiquer que, s’ils ne souhaitent pas vous informer directement pour des raisons de confidentialité, ils pourront communiquer ces informations aux secours sans risque. En effet, leur intervention est protégée par le secret médical donc il n’y pas de risque légal de leur donner ces informations.

Certains produits comme l’alcool ou le cannabis sont faciles à identifier et les victimes n’ont généralement pas de problème à évoquer l’usage.

Pour d’autres drogues, du fait de l’illégalité de leur consommation et de la répression envers les usagers, les personnes concernées auront plus de mal à communiquer.

Il peut être utile alors d’observer certains détails comme le fait que la personne ait les pupilles très petites ou au contraire complètement dilatées. D’autres signes tels qu’une transpiration excessive, une agitation importante, des tremblements et un pouls très élevé, ou au contraire une somnolence et un rythme cardiaque très faibles sont aussi des indices qui doivent vous alerter et vous inciter à approfondir le dialogue.

Dans tous les cas, la victime est libre de vous donner ces informations ou pas mais n’hésitez pas à renouveler la recommandation de communiquer avec les secours car cela aura une grande importance sur les soins qui lui seront prodigués, par exemple en cas de besoin d’anesthésie suite à une blessure.

C’est aussi utile aussi pour les autres usagers de drogue, via le système des des alertes précoces 

Si possible, vous pouvez aussi inciter la victime ou ses contacts à donner l’information sur le produit consommé, voire un échantillon à une association de réduction des risques qui est tenue à la confidentialité et habilitée à en prélever, s’il y en a une sur site. Après analyse, il sera alors possible de diffuser une alerte précoce via le dispositif SINTES-Veille et l’OFDT.

Cela peut être essentiel s’il s’agit d’un produit dangereux comme un type d’extasy surdosé ou une héroïne coupée qui serait vendue aux usagers, en milieu festif ou ailleurs. 

Nous espérons que ces quelques conseils de base vous auront servi à mieux comprendre les enjeux autour de la réactivité à avoir en cas de problèmes liés à une consommation de produits psychoactifs. Pour aller plus loin dans votre démarche, vous pouvez vous renseigner auprès des opérateurs de réduction des risques de votre région qui dispensent des formations utiles et de qualité pour les organisateurs !

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