Fiche n° 13 : LA RÉDUCTION DES RISQUES EN FREE PARTY

I. QU’EST-CE QUE LA REDUCTION DES RISQUES EN MILIEU FESTIF?

1. La RDR dans les fêtes techno

La « réduction des risques » en milieu festif, c’est une stratégie qui consiste à informer les participants à une fête sur les risques (Alcool, sexe, drogue…) qu’ils prennent lorsqu’ils sortent, afin de les réduire au maximum. C’est une démarche communautaire, c’est-à-dire qu’elle a été initiée par notre mouvement et quelle évolue encore de nos jours grâce aux acteurs du mouvement techno. Public, organisateurs, usagers ou non, tous sont concernés. Elle est basée sur un constat pragmatique : quoi qu’on en pense, que ce soit légal ou non ; les gens prennent des risques en faisant la fête. Il ne s’agit pas de dire : ne faites pas ci ou ne prenez pas ça mais plutôt : on sait que vous allez le faire et on va vous donner des informations et des outils pour éviter que vous vous mettiez plus en danger que vous ne le faites déjà. Danser longtemps près des caissons, jongler avec du feu, faire l’amour sans préservatif, boire trop, c’est le genre de chose que toute personne peut être amené à faire dans une fête et les gens qui le font ont besoin d’être informés sur les risques qu’ils prennent.

Dès le début des années 90, dans le milieu techno, les organisateurs et le public ont décidé de se prendre en main pour faire passer ce genre de message de prudence et d’information, sans jugement ni dogmatisme. Certains se sont constitués en association comme Techno+, le Tipi ou Keep Smiling. Dès 1995, ces associations ont commencé un travail d’information et de reconnaissance de cette stratégie. Elle est devenue de nos jours une politique de santé publique reconnue et soutenue par les pouvoirs publics. Depuis 2004, des CAARUD, qui sont des établissements médico-sociaux destinés à accueillir des usagers de drogues, sont venus renforcer cette politique en intervenant en milieu festif. Tous ces organismes ont développé des outils d’information (flyers) et des techniques d’intervention qui font leurs preuves depuis 20 ans.

En tant qu’organisateur de free party, vous allez regrouper du public pour une fête et donc vous savez que certains d’entre eux peuvent prendre des risques. C’est votre rôle et votre responsabilité de vous engager pour que les choses se passent le mieux possible pour tous les participants.

2. Comment s’engager dans une démarche de réduction des risques?

Il faut savoir que la réduction des risques s’appuie sur quelques principes éthiques essentiels : le non jugement, le respect du choix de l’autre, l’aller vers, la responsabilisation de l’usager et de son entourage, la confidentialité et l’anonymat. Le non-jugement, cela veut dire que vous allez devoir prendre en compte tous les types de pratiques à risques, même celles dont vous pensez qu’elles ne vous concernent pas au premier abord.

Lorsque vous organisez une fête, deux choix s’offrent à vous. Soit vous allez vous-même prendre en charge les missions de réduction des risques au sein de votre soirée, soit vous allez faire appel à un organisme spécialisé qui viendra installer un dispositif.

Vous pouvez vous former auprès des associations de RDR pour améliorer vos connaissances et votre capacité à prendre des mesures efficaces, mais sachez que, surtout si vous prévoyez une fête importante, les missions de RDR sont complexes et nécessitent des connaissances et des moyens importants qui peuvent dépasser vos possibilités. Pour la plupart des grosses fêtes, il est donc conseillé de faire appel à une structure spécialisée.

Quel que soit le choix que vous allez faire, vous allez devoir avoir un rôle actif dans cette démarche. Les associations de RDR ne sont pas des prestataires de service mais des partenaires, le plus souvent bénévoles qui vont s’engager et donner de leur temps pour que votre fête se passe bien.

3. Puis-je être inquiéter si je fais de l’information sur les stupéfiants ?

Les pratiques à risques et le monde de la fête ont toujours été liés. La mise en place par les usagers d’une action de santé communautaire favorisant l’auto-support est importante et reconnue scientifiquement. Sachez qu’aucune accusation d’incitation à la consommation parce que vous faites de la RDR dans vos événements ne tiendra devant un juge, même si certains représentants des forces de l’ordre vous diront le contraire. La RDR est une stratégie inscrite au code de santé publique.

Les actions en milieux festifs permettent de réduire efficacement les risques de transmissions d’infections, les bad-trips, les risques d’overdoses, pas d’inciter les teuffeurs à consommer. Le but est ici d’informer objectivement, pas de promouvoir un quelconque usage de substances ou de favoriser les pratiques illégales.

Il en va de même avec l’injection supervisée que propose parfois les associations intervenantes, il ne s’agit pas d’aider les consommateurs à se droguer mais de promouvoir des méthodes de consommations plus saines pour améliorer leurs conditions de vies. Les stigmatisations et le jugement des pratiques quelles qu’elles soient sont contraire à l’éthique de la RDR, c’est la raison pour laquelle tous les types de consommations méritent d’être abordés.

II. PRENDRE SOIN DE SON PUBLIC, UNE DES PREMIÈRES MISSIONS DE L’ORGANISATEUR

1. Les gestes indispensables

Réduire les risques en milieu festifs, ce n’est pas simplement poser quelques flyers sur une table! C’est un ensemble de démarches qui permettent aux participants de bien se sentir et d’éviter d’être en danger.

L’eau est un besoin primordial. Que ce soit une petite fête ou une grosse, vous ne pouvez compter uniquement que sur les participants pour ramener de quoi boire. A vous de prendre les moyens pour que ceux qui en ont besoin puissent trouver de l’eau facilement et gratuitement.

Vous devez toujours laisser une voie d’accès pour les secours. Quand il y a un vrai souci, quelques minutes peuvent faire la différence entre la vie et la mort. A vous de toujours conserver un accès rapide jusqu’au cœur de la fête pour les secours et de vérifier régulièrement qu’il est toujours praticable.

Pensez à faire régulièrement le tour de vôtre fête, jusqu’aux parkings ou sur les bords de route ou les gens sont garés. Voir comment tout se passe, s’il n’y a pas de personnes en difficultés, de feux dangereux ou de voiture garée à un endroit dangereux pour la circulation. Les free sont des fêtes « autogérées » mais si une voiture garée dans un virage provoque un accident, c’est aussi votre responsabilité qui peut être mise en cause.

Choisissez bien vos sites en pensant à la dangerosité et au risque pour les participants. Pensez à sécuriser les zones dangereuses, signaler et éclairer ce qui peut l’être. Et surtout, même dans l’urgence, faites toujours vos choix d’installation en pensant avant tout à la sécurité de votre public.

Enfin, et même si cela ne fait pas toujours plaisir, pensez que la musique trop forte fait de vrais dégâts irréversibles sur l’audition. Contrôlez le volume sonore et mettez des bouchons d’oreilles à disposition du public.

2. Quels types d’actions de RDR puis-je mettre en place moi-même?

La préparation en amont est essentielle. Il est nécessaire de penser à la constitution de l’équipe, au choix du matériel, aux horaires d’intervention et à la composition du dispositif qui peut varier en fonction de la nature et de la taille de l’évènement.

Il existe plusieurs niveaux d’actions que vous pouvez mettre en place :

  • Faire une table d’information, avec des flyers et du matériel de base (Roules ta paille, Bouchons, préservatifs…) sans présence physique est le niveau le plus simple de RDR dans vos soirées.
  • Monter un stand avec une équipe de permanence qui sera en charge des missions suivantes:
  • L’information sur les risques en teuf, les produits, leur mode de consommation, les risques de contaminations, le cadre légal etc…
  • La réduction de ces risques par la mise à disposition et l’accompagnement de matériel et documents appropriés au public et au lieu.
  • L’assistance aux personnes (réassurance, écoute active, relation d’aide…).
  • L’information et l’orientation vers d’autres dispositifs d’aide (Asso communautaire, Caarud…) ou vers les secours.

Pour monter un stand, vous aurez besoin d’une table, d’un espace couvert et éclairé, de matériel récupéré auprès d’une structure de RDR mais aussi de personnes formées un minimum à la RDR. Pour cela, nous vous conseillons de lire la section « formations ».

  • Installer un chill-out.

Les chill-out sont liés à la culture techno depuis les débuts du mouvement. Ce sont des endroits un peu à l’écart du dance floor ou les gens peuvent se reposer et échanger au calme. Ils sont intéressants en termes de RDR car ils permettent :

  • Une alternative à la re-consommation de produit
  • Un espace d’échange et de convivialité
  • Un lieu de refuge pour les personnes en difficultés suite à la prise de drogue.

Si vous avez une table d’information ou un stand, il peut être pertinent de l’installer dans le chill.

Attention, le chill-out n’est pas un deuxième dance floor. Musique calme, moquette ou coussins, déco apaisante, le chill doit être chaleureux, accueillant et donner envie aux personnes de venir s’y poser tranquillement. Il est important de passer régulièrement dans le chill et de voir si tous les gens qui sont là vont bien.

  • Sleep-in : Le sleep-in est un espace pour les personnes dont la demande concerne uniquement un endroit pour dormir. Cela peut être utile quand une fête dure plusieurs jours. Encore une fois, c’est à vous d’assurer un minimum de veille et de matériel dans ce site pour que les gens qui s’y posent soient en sécurité.

3. Comment se procurer le matos RDR?

Vous pouvez trouver du matériel RDR auprès de certaines structures type CAARUD ou via la plupart des associations recensées sur la carte interactive que vous pouvez trouver sur le site. Les associations de santé communautaires ont les outils les plus adaptés au public techno.

Un large panel de matériel adapté aux différentes pratiques à risques vous est proposé :

  • Outils liés à la consommation : roule ta paille, sérum physiologique, papier d’aluminium, kit snif, kit d’injection, kit base
  • Outils liés aux pratiques sexuelles : préservatifs M/F, lubrifiants
  • Outils liés à la prise d’alcool : éthylotests, réglettes alcool, éthylomètres
  • Outils liés aux risques auditifs : bouchons d’oreilles, casque
  • Outils informatifs : brochures, flyers, communications écrites, carte de visite

Il est indispensable de mettre à la disposition de votre public le maximum de ces éléments. A noter qu’il est cependant assez rare de se voir proposer des kits test (CCM). Vous pourrez vous en procurez sur internet ou dans certaines boutiques d’articles pour fumeur, mais à des prix élevés.

4. Se former

Si vous souhaitez monter des stands de RDR dans vos fêtes,  il est important de vous préparer en vous informant auprès des structures de RDR spécialisées. Certaines d’entre-elles proposent des formations (payantes ou gratuites) qui vous donneront les compétences nécessaires. Il en existe de plusieurs types : premiers secours, RDR en milieu festif, réassurance, sécurité routière… Choisissez-les en fonction de ce sur quoi vous voulez intervenir et de ce qui vous parait essentiel de communiquer à votre public.

Vous en trouverez certaines référencées sur la liste des formations RDR sur le site.

III ACCUEILLIR UNE ASSO DE RDR

1. RDR Pourquoi faire appel à une association ?

Lorsque vous organisez des grosses fêtes ou si vous ne vous sentez pas compétents pour assurer la RDR vous-même sur une plus petite soirée, le mieux est de faire appel à une structure spécialisée. Ces organismes sont habitués aux interventions en milieu festif et dispensent des actions de RDR de très bon niveau, avec des compétences certifiées et importantes. Dans le cas d’une grosse free, d’un multi-son ou d’un teknival, il n’y a pas de question à se poser, la présence d’une asso de RDR est indispensable.

2. La confidentialité

Les associations de RDR connaissent l’importance de la confidentialité au moins autant que les organisateurs de soirée. N’ayez aucune crainte que les infos que vous leur donnerez quand vous leur demandez d’intervenir soient divulguées.

3. Comment contacter une asso de RDR ?

Si vous souhaitez contacter une association de RDR pour votre teuf, vous pouvez vous rendre sur le site freeform.fr dans la rubrique « RDR » dans l’onglet « carte des asso de RDR » ou de nombreuses associations françaises sont répertoriées selon les régions. Choisissez une asso qui fait les interventions en milieu festif et demandez leurs s’ils peuvent venir dans votre fête.

Il est important de contacter les associations RDR le plus rapidement possible (pas seulement une semaine en avance mais plutôt un mois si possible) pour qu’elles puissent s’organiser en fonction de leurs disponibilités.

4. Quels dispositifs installent les associations de RDR ?

Les dispositifs mis en place par les associations de réduction des risques diffèrent selon la taille de l’évènement. Cela va du simple stand au dispositif semi médicalisé ou médicalisé, en passant par les chill-out ou  les sleep-in. Il existe aussi la relax zone qui est un dispositif alliant acteurs de premiers secours et intervenants RDR qui permet une prise en charge plus complète si besoin est.

Ce sont les associations intervenantes qui décideront elles-mêmes du type d’actions menées sur le terrain (nombres de bénévoles mobilisés, services proposés et matériel mis à disposition), les modalités d’interventions varient d’une asso à l’autre et dépendent de leurs disponibilités.

5. Comment accueillir et travailler avec une association de RDR ?

Lorsque vous faites appel à une association de RDR, il est essentiel d’aborder certains points en amont avec celle-ci. Des réunions préparatoires peuvent être planifiées afin d’organiser la venue des bénévoles et de définir leurs besoins matériel (talkies, groupe électrogène, lumière, tables…).

Les moyens de communications entre vous et l’asso durant la teuf doivent être établis en amont. Portable, point de rdv, talkies, l’essentiel est de pouvoir communiquer rapidement en cas de besoin. Pour plus de simplicité, désignez un « responsable RDR » de votre côté pour faire le lien avec eux.

N’hésitez pas à proposer un défraiement pour les aider à financer leur intervention. A la fin de la fête, si vous avez quelques euros de côté, n’hésitez pas à leur faire un don qui leur permettra d’acheter du matériel et d’intervenir encore plus et mieux sur le terrain.

Pendant la teuf pensez à faire des visites régulières afin de garder un lien avec l’asso RDR. Il est important de s’informer, d’apprendre et d’échanger avec eux sur le terrain. Etre en contact et s’intéresser à leurs méthodes vous permettra par la suite d’être en mesure d’assurer mieux les missions de RDR quand ils ne seront pas là.

Après la teuf, vous pouvez faire un bilan avec eux pour comprendre comment c’est passé leur intervention, ce qui peut être amélioré pour une autre fois.

6. L’articulation secours/RDR

Quand vous organisez une grosse soirée, vous allez souvent avoir sur place un poste de secours, des pompiers et des associations de RDR. Chacune de ces organisations a des missions différentes : les secouristes interviennent auprès des blessés, les pompiers évacuent les cas graves, les associations de RDR travaillent auprès des personnes en détresse (en plus de leur action de réduction des risques). Mais dans la pratique, les choses sont plus compliquées. Une personne blessée peut arriver chez Techno+, un usager en plein bad trip atterrir chez les pompiers et se retrouver envoyé à l’HP sans passer par la case réassurance d’une association de RDR.

Lors de la préparation de la soirée ou au montage, il est important d’organiser une réunion avec tous ces intervenants de façon à ce que chacun s’exprime, expose ses missions et son domaine d’intervention. Généralement l’articulation entre ces différentes organisations se passe bien mais il est important que vous fassiez le point avec les associations de RDR pour vérifier que leur mission a été bien comprise pas les organismes de secours. Il est important par exemple que les secouristes pensent bien à appeler la RDR quand c’est une question liée à la drogue, ils ont souvent des techniques de travail et des informations qui seront essentielles à la bonne prise en charge de la personne. De même, les secouristes et les forces de l’ordre doivent bien comprendre que si une asso de RDR demande leur aide pour un souci de santé, c’est une priorité et qu’ils doivent y répondre le plus vite possible.

Parfois afin de fluidifier les échanges entre les différents intervenants, le plus simple est de mettre vous-même des talkies walkies à disposition de la RDR et des secouristes pour qu’ils puissent communiquer au plus vite avec vous et entre eux. Dans ce cas-là, prévoyez une fréquence dédiée pour eux, afin qu’ils ne soient pas pollués par vos échanges entre organisateurs.

IV. EN CAS DE PROBLEME

Si un problème arrive sur votre soirée, vous allez devoir agir rapidement. Que ce soit un accident (chute, blessure, bagarre) ou un problème lié à une consommation excessive (coma éthylique, bad trip, surdose…) vous devez évaluer le niveau d’urgence du problème et réagir en conséquence.

S’il y a une association de RDR présente sur site, n’hésitez pas à les solliciter. Ils sauront comment réagir et déterminer les mesures à prendre. S’ils peuvent s’occuper de la personne, ils le feront mais si c’est grave, que ça présente un caractère d’urgence ou que cela ne relève pas de leur compétence (fracture, blessure…), il faudra demander une intervention des secours qu’ils soient déjà présents sur site (poste de secours, pompiers…) ou qu’il faille les appeler.

L’association de réduction des risques peut être emmenée à appeler les secours elle-même pour une évacuation si elle le juge nécessaire. Si c’est eux qui prennent en charge la personne et que vous êtes facilement joignable, l’appel se fera ensemble mais si vous n’êtes pas disponible et que c’est urgent, la RDR fera l’appel seule. C’est la vie d’une personne qui est en jeu.

Si vous êtes seuls et qu’un problème grave se présente il est nécessaire de prévenir rapidement les secours (18 pompier, 15 SAMU, 112 n° européen). Non seulement, c’est souvent indispensable pour sauver la victime mais si vous ne le faites pas, votre responsabilité peut être engagée et vous risquez de lourdes retombées juridiques.

Dans la plupart des cas, et sauf si vous êtes directement responsable (chute d’une light, scène qui s’écroule…) les gendarmes et le juge se baseront sur la façon dont vous avez réagi pour déterminer votre responsabilité. Si vous avez réagi rapidement, que les secours ont pu intervenir facilement dans de bonnes conditions grâce à votre intervention et qu’il apparait clairement que vous aviez pris des mesures pour éviter les accidents, vous ne serez généralement pas inquiétés.

La présence d’un stand RDR ne vous dispense en aucun cas de vos obligations d’assister les personnes en danger autour de vous. La loi distingue deux types de non-assistance : lorsque vous vous abstenez volontairement de porter assistance à une personne dont l’intégrité corporelle est menacée par un crime ou un délit et lorsque vous vous abstenez volontairement de porter assistance (par vous-même ou en appelant les secours) à une personne en danger (Article 223-6 du code pénal).  Dans les deux cas, vous risquez jusqu’à 5 ans de prison et 75000 euros d’amende.

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