Depuis un an environ, nous constatons l’arrivée d’une nouvelle forme de répression envers la fête libre, la mise en accusation pour agression sonore. Beaucoup plus grave que l’amende pour organisation de soirée de plus de 500 personnes, ce délit peut être sanctionné d’un an de prison et 15 000 euros d’amende. Il peut aussi être appliqué à une fête regroupant 20 personnes dans un champ et servir de base à une saisie pour « faire cesser l’infraction ».
Si certains sound systems abusent et méritent parfois leurs amendes pour tapage nocturne ou non-déclaration de soirée, nous constatons ici une dérive avec l’utilisation abusive d’une procédure conçue à la base pour totalement autre chose.
L’agression sonore est faite pour condamner ceux qui, volontairement et de manière répétée, veulent nuire à quelqu’un en particulier (par exemple, taper sur le plafond pour réveiller son voisin à 3 heure du matin pendant un mois….). En aucun cas, un sound system n’organise plusieurs fêtes de suite exprès pour nuire à quelqu’un ! Une free party peut déranger et constituer un tapage nocturne, mais en aucun cas une agression volontaire et surtout répétée alors que, dans 99% des cas, elle n’a pas lieu deux fois au même endroit par le même organisateur.
Comme nous, la Cour d’appel de Toulouse a jugé en 2000 que cette qualification était inadaptée. Pourtant, sur le terrain, forces de l’ordre et procureurs l’utilisent de nouveau contre les sound systems. Nous allons vous en dire plus sur ce délit et les moyens de vous défendre si vous êtes attaqués injustement.
Définition légale du délit d’agression sonore
Le délit d’agression sonore est un délit caractérisé par deux critères qui sont l’intention de nuire et la répétition de l’acte en cause. L’agression sonore peut donc prendre la forme de tout bruit répété dans le but de troubler la tranquillité des autres. Le délit est puni par une peine assez lourde (jusqu’à un an de prison et 15 000€ d’amende). Il peut s’accompagner d’une saisie du matériel ayant servi à constituer l’infraction (articles 131-21 et R211-28 du Code Pénal).
L’avis de la jurisprudence sur ce point
Pour qu’il y ait agression sonore, il faut que deux critères soient remplis :
- L’intention de nuire
- La répétition de l’acte
Or, pour la Cour d’appel de Toulouse, qui a rendu un arrêt en 2000 (CA Toulouse, 16 mars 2000, JurisData 2000-120716), « Le bruit émanant de raves parties ne permet pas de retenir à l’égard des organisateurs le délit d’agressions sonores mais seulement la contravention de tapage nocturne dès lors qu’ils ont eu le souci de choisir des lieux isolés, qu’ils procédaient à un repérage à cet effet et qu’ils n’ont manifesté aucune intention de nuire. »
Les Free Party ne sont donc pas concernées par les délits d’agression sonore. Malgré tout, les condamnations persistent.
Alors, pourquoi est-ce possible qu’une telle accusation soit portée contre des organisateurs ?
Les techniques pour créer artificiellement les conditions de ce délit sont multiples et créatives.
Sur la notion d’agression sonore, il faut une ou des « victimes ». On va donc avoir tendance à inciter les maires ou des riverains à venir porter plainte. Ces incitations sont parfois faites par voie de presse afin de recueillir suffisamment de témoignages pour étayer un dossier de plainte. (Cf. Ouest France, édition Ploërmel 25/01/15).
Le deuxième point étant la répétition, elle aussi est constituée artificiellement en, par exemple, divisant la soirée en deux (avant minuit et après-minuit), ce qui permet de dire qu’il y a « répétition » de l’agression.
On voit donc, dans certains dossiers, des organisateurs accusés d’avoir agressé « sonorement » M.X et Mme. Y en personne, le samedi 30/1 et le dimanche 31/1 qui vivent à 5km du site, alors qu’il ne s’agit que d’une seule soirée et que les riverains les plus proches n’ont pas étés dérangés, grâce à l’orientation des enceintes…
Si on peut comprendre qu’il y ait eu une nuisance pour ces personnes, c’est un tapage nocturne, non une agression car il n’y a pas la volonté de nuire.
Pourquoi ça marche quand même ?
Si ces procédures sont assez bancales et ne tiennent généralement pas devant un juge, certains organisateurs peuvent accepter d’être condamnés à des amendes mineures, en échange de la restitution immédiate de leur sono, ce qui peut se comprendre.
Le déroulé de la procédure
L’audition
Si vous êtes dans ce cas, vous allez tout d’abord être entendu par les forces de l’ordre. Cette audition peut se faire directement pendant la fête ou ultérieurement. Vous recevrez généralement une convocation pour une audition libre ou vous devez vous rendre obligatoirement. Vous pouvez vous y rendre seul ou accompagné d’un avocat.
Votre convocation écrite doit mentionner la raison de votre audition, à savoir « le délit d’agression sonore » et l’on doit vous expliquer de manière claire que vous pouvez vous faire assister d’un conseil juridique.
C’est lors de cette audition que vous expliquerez sur ce qui s’est passé et surtout, ce qui prouve que vous n’avez pas cherché à « agresser » volontairement qui que ce soit. Vous expliquerez les mesures que vous avez prises pour éviter de nuire aux riverains en orientant la sono vers des zones inhabitées par exemple, ou en baissant le volume quand on vous l’a demandé.
A l’issue de cette audition, le procureur décidera de vous poursuivre ou pas. Il peut soit abandonner les charges, soit vous proposer une composition pénale, soit vous convoquer directement à la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance pour un jugement.
La composition pénale
La composition pénale consiste à proposer au prévenu des mesures autres que des poursuites judiciaires dans des affaires simples. Cette procédure ne convient pas pour le délit d’agression sonore. Aussi, si vous recevez une proposition de composition pénale alors que votre matériel n’a pas été saisi, nous vous conseillons de REFUSER la composition pénale et d’aller au tribunal. Si vous n’avez pas commis ce délit vous n’avez pas à être condamné.
Dans le cas où votre matériel a été saisi, n’acceptez la composition pénale que s’il y a restitution et que l’amende est faible (quelques centaines d’euros).
Le jugement
Suite à votre audition, vous pouvez recevoir un courrier vous convoquant à une audience au Tribunal correctionnel. Vous devez vous y présenter personnellement, en compagnie de votre avocat si vous en avez un.
Vous et la « victime » serez interrogés et pourrez donner vos arguments. Ensuite le Procureur de la République citera la loi et demandera la peine qu’il estime juste. Vous serez bien sur entendu pour votre défense ainsi que votre avocat. Les juges se retireront pour délibéré. Le jugement sera rendu soit le jour de l’audience, soit plus tard mais vous serez informés de la date.
Si vous souhaitez contester la décision, vous devez faire appel dans un délai de 10 jours auprès du greffe du tribunal. Sachez que le Procureur de la République a lui aussi la possibilité de faire appel si le jugement ne lui convient pas.
Se défendre
Pour ce genre de dossier vous pouvez faire appel à un avocat. Si vous souhaitez vous défendre seul, vous devez, à la fois lors de votre audition et lors de l’éventuel procès qui suivra bien expliquer les points suivants :
- Vous souhaitiez organiser une soirée pour vous mais en aucun cas vous ne souhaitiez causer du tort à quelqu’un. Vous avez cherché exprès un terrain bien isolé et éloigné du voisinage.
- Vous avez tourné vos enceintes de manières à ce qu’elles soient orientées à l’opposé des voisins les plus proches et vous avez fait tout ce qui était possible pour ne pas nuire.
- Vous avez fait du bruit, c’est possible et vous le reconnaissez, mais le délit d’agression sonore ne peut pas s’appliquer dans votre cas. Votre but était seulement de jouer de la musique devant un public, pas d’embêter volontairement le voisinage.
- S’il y en a, réunir les témoignages de riverains qui n’ont pas été dérangés, ce qui prouve encore une fois que, même si vous avez « fait du bruit » ce n’était pas dans l’intention de nuire à quelqu’un de spécifique.
- La non répétition de l’acte : il n’y a eu qu’une seule soirée qui n’a pas à être scindée pour prouver une éventuelle répétition.
La saisie
La saisie est une mesure qui accompagne parfois le délit d’agression sonore dans le but de faire cesser le délit. Elle est conservatoire pour une durée maximale de 6 mois avant le jugement.
Elle se fait généralement sur réquisition du procureur de la république et ce sont les forces de l’ordre qui seront en charge de l’exécution de cette demande.
Sur le terrain, il peut y avoir une large différence entre les souhaits du procureur et la réalité de ce que peuvent/veulent faire les gendarmes. Il convient d’établir un dialogue avec eux de façon à minimiser la quantité de matériel saisi et que cette saisie se passe de la façon la plus paisible possible, sans intervention intempestive de participants énervés par exemple.
Attention, s’il s’agit de matériel de location, les propriétaires du matériel doivent se manifester auprès du tribunal de Grande Instance ou auprès de la gendarmerie au plus vite pour récupérer leur bien. Ils doivent se munir d’un justificatif (contrat de location, preuve d’achat du matériel, …).
Si vous n’êtes pas jugé dans un délai de six mois, vous êtes fondé à demander la restitution de votre matériel. Pour cela, il vous faut remplir le formulaire cerfa n°13488*01 « Demande de restitution d’un objet placé sous main de justice » et l’envoyer au Tribunal de Grande Instance par courrier soit en remplissant le formulaire en ligne que vous trouverez ici :
https://mdel.mon.service-public.fr/mademarchev5/sfjsp?interviewID=13488.
Si votre demande est acceptée, la décision de restitution du matériel saisi ainsi qu’un avis ou une convocation vous invitant à venir le récupérer dans un délai de 2 mois vous sera envoyé.
Au regard des enjeux financier, la présence d’un avocat peut sembler importante.
Si la demande est refusée, vous pouvez faire appel de la décision pour la contester.
Si vous êtes accusés de délit d’agression sonore, pensez à NOUS CONTACTER !
Hotline Freeform 05 32 02 15 86